Quentin G. avait 14 ans quand il a tué Mélanie G.
Élève de troisième, parents qui travaillent, « ambassadeur harcèlement » dans son collège de Nogent (Haute-Marne).
Rien, à première vue, ne laissait présager le drame du 10 juin 2025.
Sauf ces éléments revenus après coup : deux exclusions temporaires en début d’année pour violences sur ses camarades.
Puis plus rien. Un calme trompeur, interprété comme un progrès.
Jusqu’à ce matin où il poignarde à mort une surveillante de 31 ans à l’entrée du collège.
Quentin concentre les paradoxes de notre époque.
Cette capacité à être à la fois ambassadeur contre le harcèlement et auteur d’un meurtre.
Cette alternance entre violence manifeste et adaptation apparente.
Cette imprévisibilité qui rend toute prévention classique inopérante.
Car qu’est-ce qui a fabriqué Quentin ?
Cette génération grandit avec la conscience aiguë d’un monde en perte de repères : crises sanitaires, climat déréglé, inégalités croissantes, démocraties fragilisées…
Ils évoluent dans un environnement où les modèles se défont plus vite qu’ils ne se construisent, et où les adultes eux-mêmes peinent à tracer une voie claire.
De plus en plus de jeunes vivent avec un sentiment diffus d’insécurité.
Pas seulement physique, mais existentielle.
Ils ne savent pas ce qu’ils deviendront, ni même si ce qu’on leur demande aujourd’hui aura encore du sens demain.
Enseignant moi-même, au lycée comme à l’université, j’ai vu de près cette fragilité, ces équilibres en devenir.
Dans cette accélération permanente, certains adolescents craquent.
La violence devient alors un langage. Celui de la faillite de l’espérance. Une tentative de reprendre un pouvoir, dans un monde qui leur échappe.
Quentin n’est probablement ni un monstre, ni une exception. Il est le produit prévisible d’un système qui utilise l’anxiété comme moteur, et la domination comme mode d’expression.
Tant que cette mécanique ne sera pas nommée, comprise, interrogée, changée, d’autres Quentin surgiront. Imprévisibles…